Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Voir-ou-revoir

Voir-ou-revoir

Mes visites d'expositions, de musées et autres lieux culturels.


JORDAENS au Petit Palais à Paris - octobre 2013

Publié par voir-ou-revoir sur 11 Octobre 2013, 21:32pm

Catégories : #Expositions à Paris

"LA GLOIRE D'ANVERS"
(...) où donc as-tu trouvé ton soleil, ô Jordaens ? Ce pauvre soleil gris que le brouillard fait fondre (...)" Victor Hugo

Jacques Jordaens nait le 19 Mai 1593 à Anvers. Jacques est son véritable prénom (Jacus sur son acte de baptême). La transformation de Jacus en Jacob date du XIXe  dans le contexte de la renaissance linguistique flamande. Son père pratique le commerce du drap mais la famille Jordaens compte des peintres et des encadreurs dès le XVe siècle. Elle est aussi apparentée à l'une des principales dynasties de peintres-marchands, experts en commerce de l'Art, les "Goetkint".
Jordaens reçoit une éducation caractéristique de la bourgeoisie de son époque. S'il ne possède pas la même culture que Rubens (qui a étudié au collège Jésuite le latin, la littérature classique et les humanistes), il pratique quelques langues modernes dont le français.
En 1607-1608 Jordaens entre en apprentissage chez Adam van Noort, dont il épousera la fille Catharina en 1616;
Cette même année 1616 il est reçu franc-maître de la guilde de Saint Luc comme peintre à la détrempe (peinture dont les pigments sont liés à une solution aqueuse - gouache ou aquarelle - mais la détrempe peut aussi être associée à la tempera, pigments liés avec de l'oeuf). Jordaens se destinait sans doute à la production de cartons de tapisserie. La guilde définissait le cadre réglementaire de l'exercice de la profession, regroupait notamment les peintres d'Anvers et constituait un important lien de sociabilité et de solidarité.
A cette époque Jordaens commence sa collaboration avec Rubens. Contrairement à Rubens, qui fit en particulier un long séjour en Italie (8 ans), Jordaens ne quittera jamais Anvers. Dans sa ville, spécialisée dans le commerce d'art il a toutefois la possibilité de voir des oeuvres et des copies gravées venant de toute l'Europe. D'autre part Rubens a ramené de son séjour en Italie un savoir colossal : il en fera sans doute profiter son jeune collaborateur.
En 1620 Jordaens ouvre son propre atelier. Il aura jusqu'en 1660 de nombreux élèves (un seul sera connu, Jan Boeckhorst qui fréquentera aussi l'atelier de Van Dyck). L'atelier est tout à la fois école, manufacture, lieu d'exposition et boutique. Les assistants travaillent sur tout ou partie du tableau et réalisent les variantes plus ou moins nombreuses des oeuvres à succès du maître.
Les dessins et esquisses sont essentiels pour Jordaens. Splendides et parfois très aboutis ils peuvent servir de modèles. Les collaborateurs puisent dans les dessins, tenus sous clef, d'enfants, de femmes, d'hommes, jeunes ou vieux, d'animaux, qui leur permettent de composer des tableaux.
Lorsque Rubens disparait en 1640, suivit de Van Dyck en 1641, Jordaens devient le plus grand peintre Anversois.
A la fin de sa vie c'est un homme riche et considéré. Il meurt en 1678 le même jour que sa fille Elisabeth, ils ont probablement été victimes d'une épidémie. Ils sont tous les deux inhumés dans le cimetière calviniste (ou dans l'église) de Putte, de l'autre côté de la frontière hollandaise.
Reconnu en France dès le début du XVIIIe (les collections royales acquièrent pour Louis XV "Le Christ chassant les marchands du temple"), la popularité de Jordaens a chuté à partir de 1950, il était moins connu que Rubens et considéré comme son successeur et sa peinture réaliste ne correspondait plus aux critères du XXe siècle.
La rétrospective que lui consacre le Petit Palais, la première en France, est une réussite, on ne peut qu'être ébloui par les grandes compositions religieuses, les banquets réjouissants, les portraits familiaux et les très beaux dessins, à la pierre noire, à la plume ou au lavis.
Et je rêve depuis ma visite d'aller à Anvers....
Le parcours de l'exposition est organisée de façon thématique :
 
- L'ARTISTE, SA FAMILLE ET LES PEINTRES D'ANVERS

La famille Jordaens est unie et ses membres incarneront souvent les personnages des tableaux du maître, notamment sa fille Elisabeth qui est présente de sa petite enfance à sa maturité. Jordaens fera uniquement les portraits de ses proches, Van Dyck était le maître pour les commandes royales et la bourgeoisie s'adressait à des peintres spécialisés.

Autoportrait fin des années 1640 - huile sur toile  81,5x59cm - Munich
    
1317341107 1645-1649-jacob-jordaens-autoportrait-huile-sur-
 
 
Autoportrait de Jordaens avec sa femme Catharina, leur fille Elisabeth et une servante
1621-1622 - huile sur toile 181x187cm - Madrid Prado 
The Family of the Artist by Jacob Jordaens

Portrait d'une jeune dame montrant son bijou (Elisabeth ?) vers 1637 huile sur toile 74,5x55,5cm
Sans-titre-7
La Sainte famille vers 1620 huile sur bois 105,8x75,5cm - (L'enfant est Elisabeth et la Vierge Catharina)     sainte famille


- LA BIBLE ET LES SAINTS
Dans ce domaine l'activité de Jordaens est féconde. Elevé par ses parents dans le catholicisme il se convertira au calvinisme au milieu du siècle, mais cela ne l'empêchera pas de continuer à travailler pour l'église et une clientèle catholique. Dans son oeuvre se mêlent les apports de Rubens et du Caravage.

L'adoration des bergers -  1616-17- huile sur toile - 255x175cm - Musée de Grenoble
2.L'adoration des bergers- Photographie © Musée de Grenob

    Le sacrifice d'Isaac - vers 1625-1630 huile sur toile 242x155cm the sacrifice of isaac
Adam et Eve - La chute de l'homme - vers 1640 - huile sur toile 184x221cm - Budapest -
d'après Rubens qui avait lui-même copié Titien
Jacob-Jordaens-The-Fall-of-Man-2-

Adam et Eve - Rubens - 1628-1629 -  huile sur toile   237x184 -- Le Prado -
rubens-Adam-et-Eve
 
Titien - Adam et Eve - vers 1550 - huile sur toile - 240x186cm -  Le Prado -
adam122 titien
Les quatre évangélistes - 1625-1630 - huile sur toile 134x118cm - Musée du Louvre

Ce tableau, objet de nombreuses interprétations iconographiques, fait maintenant consensus sur la représentation des quatre évangélistes mais leur identification reste problèmatique. Il y a quelqes années, l'historien allemant Christian Tümpel a désigné le jeune homme en blanc comme étant Jean, le personnage près de lui serait Matthieu, ils sont au premier plan près de la Bible. Derrière eux, Marc, dont le premier métier consistait à fabriquer des toiles de tentes s'appuie sur la tenture, et le personnage qui écrit serait Luc (Jordaens a pris pour modèle le calligraphe de la guilde de ...Saint Luc.. de Graef).
4.les quatre évengélistes © RMN-Grand Palais (musée du
- LES DECORS PROFANES

Deux oeuvres marquent son apogée dans ce domaine : "Le temps fauchant la calomnie et le vice", et "la mort étranglant la jalousie" peint en collaboration avec Rubens pour la salle d'apparat de la "Maison des bois" résidence princière aux environs de la Haye. L'exposition présente une vidéo de ces oeuvres.
Mais nous avons plus près de nous un exemple de ces décors : dans la galerie est du Palais du Luxembourg, le plafond de l'annexe de la Bibliothèque du Sénat conserve depuis le Consulat douze peintures réalisées par Jordaens pour sa demeure anversoise : les douze signes du zodiaque.  
Le verseau
Jordaens - AquariusLa vierge
Jordaens - Virgo
- QUOTIDIENS ET PROVERBES

Les proverbes constituaient l'un des rares lieux de rencontre entre le savoir des élites et le plus grand nombre. Leur représentation avait un arrière-plan moral : montrer, éduquer, divertir.
Le nom de Jordaens est inséparable des diverses version du "Roi boit", représentation de la fête de l'Epiphanie.

Le Roi boit - 1638-1640 - huile sur toile 156x210cm - Musée royale de Bruxelles -
Le cartouche sur le mur du fond indique "où la boisson est gratuite il fait bon vivre", et Jordaens en autoportrait au premier plan rend le repas trop arrosé ! 15.Le-roi-boit©-Musées-royaux-des-Beaux-Arts-de-Belgique- 
  " Comme les vieux ont chanté, ainsi les jeunes jouent de la flûte" -
  1640-1645 - huile sur toile 154x208cm - Valenciennes Musée des Beaux Arts -
Jordaens se représente jouant de la cornemuse
jordaens130922p
Le satyre et le paysan - 188x168cm - huile sur toile - Musée Royal de Bruxelles
Une famille de paysan et un satyre sont assis à la même table. Le paysan souffle sur sa cuillère de soupe pour la refroidir, le satyre l'a vu un peu plus tôt, dans la campagne, souffler sur ses mains pour les rechauffer : "Cette homme souffle de la même bouche le chaud et le froid, comment lui faire confiance ?" et le satyre effrayé quitte la table !12 -Satyres-et-paysans1
- HISTOIRES PROFANES ET MYTHOLOGIE

Dès le début de sa carrière Jordaens traite les thèmes mythologiques, mais son regard est différent de celui de Rubens, il vide le mythe de son tragique pour aller vers la satyre et célébrer aussi la Nature.

    Allégorie de la fécondité de la terre -  vers 1623-1625 - huile sur toile - 180x241cm -  Bruxelles -Allegory-Of-Fertility-1618-1628Details-Jacob-Jordaens
Le Banquet de Cléopâtre - 1653  - huile sur toile -156,4x149,3cm  - Saint Petersbourg f9a8e2013b506604561cb6b104c5a0fc
 
Candaule faisant épier sa femme par Gygès - vers 1646 - huile sur toile -193x157cm -  Stockholm
Le tyran Candaule, fier de la beauté de sa femme contraint un courtisan, Gygès, à l'épier au moment de son coucher. La Reine s'en aperçoit et  se venge. Elle convoque Gygès et lui propose un marché : soit il assassine Candaule pour obtenir sa main et le trône de Lydie, soit il est exécuté. Gygès poignarde le roi et s'empare du trône.
10.Candaule faisant épier sa femme par GygèsPhoto © Nati
- MODELES CARTONS DE TAPISSERIES ET TENTURES

Jordaens conçut des modèles dans des registres divers : littérature proverbiale, thèmes équestres, mythologie et histoire antique ou médiévale. Sa spécialisation de peintre à la détrempe l'avait préparé à oeuvrer dans cette voie. Cartonnier de premier ordre, Jordaens participe au rapprochement entre lissiers et peintres qui marquera l'évolution de la tapisserie au XVIIe.

Carton - Chasseur et sa meute - pierre noire, aquarelle et gouache - 35,5x50,2cm - Londrescarton
La tapisserie - après  1639 -  laine et soie - 365x610cm -  Vienne
tapisserie
    Coups de coeur pour  toutes les études et  dessins de Jordaens  :
Parmi eux ces deux têtes de femme - huile sur bois 58,5x65,5cm - Nancy - Musée des Beaux Arts11-2-full
Photos Internet - Texte MP -

EXPOSITION DU 19 SEPTEMBRE au 19 JANVIER 2014 - Petit Palais Paris

    
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
J'aime beaucoup la peinture de cette période. Je suis toujours épatée par la richesse et la perfection des détails.
Répondre
L
coucou ma petite maman, très intéressante exposition et le texte est passionnant, comme d'habitude!!!!!<br /> Gros bisous
Répondre
N
Une petite merveille!J'admire ton talent. Merci + gros bisous.
Répondre
L
Adam et Eve ... la chute, le chapitre 3 de la genèse, le thème principal de mon exposition pour les "portes ouvertes des ateliers d'artistes" dans une semaine, ... , un sujet inépuisable ! amitiés.
Répondre
V
<br /> <br /> J'ai hâte de voir cela... à très bientôt Lucien. Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
E
passionnant article, comme le sont toutes tes visites guidées, Michèle - toujours une émotion spéciale à parcourir les galeries des flamands, en particulier les scenes de la vie quotidienne, peut<br /> être parce qu'elles ne sont pas si différentes des nôtres - je les prefere de loin aux représentations bibliques et antiques jamais exemptes de grandiloquence et aux costumes anachroniques
Répondre
R
Votre article est particulièrement fouillé et très bien illustré. Bravo Michèle ! Le Petit Palais, musée que j'apprécie pour sa richesse et sa tranquillité, vous doit à nouveau gratitude et<br /> reconnaissance
Répondre

Articles récents