Quelque peu oublié le nom de José Maria Sert n'apparâit pas dans les dictionnaires des grands peintres, peut-être parce qu'il est considéré comme un peintre de décor : il habillait les murs mais n'a jamais peint de fresque.
Par manque de communication l'exposition du Petit Palais est quasi déserte. Sert m'était inconnnu et doit l'être pour beaucoup. Le guichetier lui même n'était pas très encourageant pour faire valoir l'exposition, mais la curiosité n'est pas toujours un vilain défaut.
Grande surprise, grand bonheur, grand peintre : les toiles sont gigantesques, les couleurs éclatent, les visages sont peints à la Goya.
JM Sert est né en 1874 dans une famille bourgeoise spécialisée dans le textile. A vingt ans, talentueux dessinateur, il créé pour l'entreprise familiale des cartons de tapisserie. Il se forme à l'Ecole des beaux-arts de La Llotja et fréquente la célèbre brasserie Els Quatre Gats où il rencontre Gaudi, Ramon Casas, Miguel Utrillo.
A la mort de ses parents en 1899 il s'installe à Paris dans l'ancien atelier d'Horace Vernet.
Après un voyage en Italie, impressionné par les fresques de Giotto à Assise, son grand désir est de décorer son église. L'évêque de Vic (Catalogne) lui propose la décoration de la cathédrale de la ville. Ce sera le projet le plus important de sa vie. Il fait un premier projet, oeuvre disparue, "le monde bienheureux" et expose au salon d'automne de 1907 à Paris plusieurs toiles et quelques esquisses. Il obtient un véritable succès, on le compare aux grands maîtres de la fin de la Renaissance.
Pour faire avancer les travaux de la Cathédrale, JM Sert accepte des commandes pour les hôtels particuliers. Il acquiert une solide réputation et décore la salle à manger de l'amant de Coco Chanel, Arthur Capel. Capel se tue lors d'un accident de voiture, le Baron Robert de Rothschild rachète alors le décor pour son pavillon de chasse de Chantilly.
Ce décor "les quatre saisons" (1917-1919) présenté au Petit Palais nous enferme dans un univers fabuleux, la peinture envahit totalement les quatre murs de la pièce.
JM Sert rencontre en 1908 la muse de Toulouse Lautrec, Misia et l'épouse en 1920. Fortuné, le couple voyage beaucoup. Il aime les rues, les fêtes foraines, le cirque. Il utilisera ce sujet pour le paravent du boudoir de la Reine d'Espagne, Victoire Eugénie, en 1920.
Superbes panneaux peints à l'huile sur étain sur bois (275 x 400 cm). -Scène de cirque - (exposés au Petit Palais)
En 1924, JM Sert expose à New York, il reçoit des commandes de plus en plus prestigieuses.
L'année suivante, il tombe amoureux de Roussaname Mdivani dite Roussy. Les rumeurs d'un couple à trois se répandent dans Paris et font l'objet d'une pièce de théâtre. Sert divorce et épouse Roussy en 1928.
Abandonné depuis la mort de Torras i Bages, le projet de la cathédrale de Vic reprend avec un nouveau mécène, Francesc Cambo. JM Sert utilise un style plus simple et plus harmonieux avec des sous couches de métal et des couleurs bistres et or. En 1926 les toiles pour la décoration de l'abside exposées au Jeu de Paume impressionnent le public. C'est une consécration pour Sert.
Crucifixion (qui sera détruite en 1936)
A 59 ans, JM Sert est apprécié en France et à l'étranger. Son oeuvre séduit une riche clientèle. Très mondain il a pour amis Chanel, Claudel, Cocteau, Colette, Picasso, Dali, de Falla, Stravinsky.
Viennent alors les grandes commandes :
Le salon de l'Hotel Waldorf Astoria en 15 panneaux "Les noces de Camacho"
La Société des Nations à Genève
plafond
Le décor du Hall du nouveau RCA Building de Rockefeller à New-York (où il retrouve Diego Rivera pour l'installation)
ainsi que le Palau March à PALMA
On peut voir au Petit Palais, entre autres merveilles : "le Carrousel"
Ce qui est passionnant chez JM Sert c'est sa façon de préparer ses oeuvres. Il créé ses décors en utilisant des modèles vivants mais aussi des santons (il en achètera plusieurs centaines appartenant à une crèche napolitaine) et des mannequins en bois articulés. Il photographie ses mises en scène sous tous les angles, mets les photos au carreaux et souligne sur les clichés les lignes fortes.
Les funanbules
JM Sert fait également des maquettes pour proposer ses futurs décors. Celles exposées au Petit Palais sont extraordinaires.
En 1936, dès les premiers jours de la guerre civile espagnole, la cathédrale de Vic est entièrement brûlée et plusieurs membres du chapitre exécutés.
En 1938 après avoir perdu son frère adoré, Roussy, amaigrie par les drogues, meurt de la tuberculose.
JM Sert se réfugie dans le travail et revoit son grand projet de la cathédrale de Vic, il passe du "Monde bienheureux" à la "Danse de la mort".
Cathédrale de Vic
crucifixion
esquisse pour la crucifixion
Une oeuvre de JM Sert se trouve au Musée Carnavalet à PARIS
JM Sert a survécu à peine un mois à l'achèvement de son décor. Il meurt le 27 novembre 1945. Il est inhumé dans "sa cathédrale".
Si vous n'êtes pas trop loin de Paris, courrez au Petit Palais.